Un avant-goût des eaux vertes et peu profondes des bancs des Bahamas, un laisser-aller, un rythme lent pourrait-on dire, qui rappelle la langueur des îles des petites Antilles, une végétation tropicale qui s'épanche sous l'alizé (sauf bien sûr quand un front froid nous rappelle que l‘hiver continental est tout proche), la plongée en apnée sur les récifs coralliens (en relativement bonne santé), des pêches parfois miraculeuses, des couchers de soleil, célébrés quasi religieusement tous les soirs (le capitaine soufflant dans sa corne de brume), et qui enflamment l'horizon du Golfe du Mexique, mais aussi l'accès relativement aisé aux biens et services qui facilitent l'avitaillement des voiliers, - après tout on est encore aux E.-U. d'Amérique -, bienvenue dans les Keys, cette extension quasi tropicale de la Floride continentale qui chatouille Cuba à 100 kilomètres au large de La Havane, porte d'entrée des paradis de la plaisance qui s'étendent sur 1500 milles du Nord-ouest au Sud-est , de Bimini bordant le détroit de Floride en face de Fort Lauderdale, à Trinidad au fond de la mer des Caraïbes, juste au large du Vénézuela. Bien sûr, il y a le kitsch charmant de Key West, même dans ses excès et sa décadence, mais les Keys offrent aussi des ancrages sauvages, le fort Jefferson dans les Dry Tortugas, la richesse obscène de Key Biscayne, et le magnifique port de Boot Harbour à Marathon, où Bon Vent est amarré sur un tangon depuis dix jours, en compagnie de plus de 250 voiliers, certains en attente d‘un créneau météo favorable pour la traversée aux Bahamas, à Cuba ou vers le Yucatan, d‘autres installés à demeure, leur bateau incrusté de bernacles, immobiles et contents. Après les froids intenses du début de Janvier, - au point de faire chuter la température de l’eau de plus de 30 degrés F -, après avoir campé dans la cabine (chauffée)de notre voilier pendant une semaine à Naples, après une descente glaciale (mais néanmoins sublime) le long des Everglades, le temps s’est mis au beau, comme il se doit dans les îles, et bateau et équipage ont “sombré” dans une certaine indolence, temporaire rassurez-vous, notre départ vers les Bahamas étant prévu dans quelques jours...
Comme il a été mentionné dans un blog précédent, il y a toujours beaucoup à faire sur Bon Vent, et ce court séjour dans le havre protégé de Boot Harbour nous aura permis de revernir les planchers et diverses boiseries, celles de l’extérieur étant particulièrement pâlies par les rayons UV, et ternies par les embruns d’eau salée. Et bien sûr, qui dit séjour au port dit aussi vacances de cuisine à bord, les dîners à l’extérieur nous permettant de goûter poissons, crustacés et fruits de mer disponibles en abondance dans les gargotes de l‘endroit. La marina municipale de Marathon est un lieu tout à fait spécial. Les bateaux étant sur tangons dans la baie, chacun se déplace en annexe pour accéder aux services, et le quai d’amarrage des dinghys donne parfois l’impression qu’une chatte n’y retrouverait pas ses chatons, comme on dit. Ditto pour les supports de bicyclettes. C’est comme une petite ville, avec un net d’information sur radio marine VHF tous les matins à 9 heures, des navettes marines qui vident toutes les semaines les fosses d’eaux usées des bateaux (la qualité de l‘eau dans le port est relativement bonne), des activités communautaires (yoga, balle molle, artisanat), des marchés aux puces, un échange de livres, des tables communes pour se connecter à l’internet, un atelier de réparation “do it yourself”, et bien sûr la course quotidienne pour accéder aux douches et aux machines du lavoir. Mais tout cela est fort sympathique et l’atmosphère reste bon enfant, malgré l'agitation.
